Nous le savons, Théo a beaucoup écrit. Et ses fonctions actuelles ne le détournent pas de cet exercice qu`il affectionne particulièrement. Il s`y adonne d`abord « par devoir », au gré de ses visites, en produisant sous différentes formes: conférences, message de conclusion, rapport de visite, ou notes d`appoint comme ces conseils laissés aux novices: « Prier tous les jours pour leur persévérance - Commencer chaque jour, chaque action, avec générosité - Avoir une formation religieuse immaculée, etc...»

L`expérience lui ayant appris qu`on peut corriger sans briser. Il a une vision étonnamment moderne pour son époque: « Il faut, pense-t-il, concilier les forces de la tradition et celles du progrès et ne jamais séparer le sens de l`autorité de celui de la liberté. »

Pourtant, le fidèle serviteur, si profondément attaché à sa famille religieuse, ne tarde pas à se mettre à l`œuvre. Si absorbante et délicate que soit chaque tournée qu`il entreprend, Théo s`y engage avec ferveur et humilité. Partout, il se présente en frère parmi ses frères, serviteur disponible et discret. Il observe... Il écoute... Quelqu`un sollicite son avis ? Après avoir pris la mesure du problème: « Il me semble que telle décision serait prudente...», répond-il; ou sous cette forme: « Si je ne me trompe, vous feriez bien d`agir ainsi... « Et le message écrit qu`il laisse à la fin de sa visite est largement inspiré par la sûreté de son jugement, tout empreint de délicatesse et de nuance.

Dans l`esprit des supérieurs de l`Institut, la fonction de « Visiteur général » poursuit d`abord un objectif bien clair: visiter chaque année toutes les maisons de formation des jeunes Frères sur le territoire désigné - petit-noviciat, noviciat et scolasticat - pour assurer une certaine uniformité dans la transmission de la spiritualité lasallienne. Quant au contenu, Théo n`a pas tout à fait raison de dire qu`on le « lance sur des chemins inconnus »; ses nombreuses années de formateur au noviciat ne lui donnent-elles pas une bonne longueur d`avance ? Là où il est peut-être justifié de gémir un peu, c`est sur les nombreux déplacements qu`exigera sa mission. Eu égard à sa santé trop fragile, le territoire est bien grand: Montréal, Québec et Toronto, mais aussi New-York, Baltimore, Saint-Louis, San-Francisco, Nouvelle-Orléans et Santa-Fe...

Peu après, Théo s`en ouvre à son « cher Robert » sur les sentiments qui l`habitent au moment de relever ce nouveau défi : « Tu t`imagines quel acte d`abandon il me faut faire pour me lancer dans ces espaces inconnus et étrangers pour moi ! Tu connais ma timidité, mon insuffisance, mon peu d`ascendant, etc., de sorte que tu es peut-être aussi surpris que moi qu`on m`ait poussé par ces chemins. Eh bien, tant mieux ! en tout cela, le bon Dieu aura plus à faire, et il faudra bien qu`il le fasse. «